cine senorita maria150| LOCARNO 2017 | COLOMBIA |

«Je préfère les jupes au pantalon»

— Par Michaël Tuil de ©PuntoLatino sur «Señorita María: la falda de la montaña» (Colombie, Rubén Mendoza), gagnant de la Semaine de la critique du Festival du Film de Locarno, août 2017.

«El chinito tiene cachitos y colita, le petit a des cornes et une queue: répétaient les habitants du village de Boavita, dans le département de Boyaca en Colombie. Les gens de la campagne exagèrent souvent les choses, comme ils le reconnaissent eux-mêmes. Et de fait, dès sa naissance, María Luysa est stigmatisée, enfant de l’inceste, enfant du viol, enfant abandonné. Les villageois sont durs contre ceux qu’ils considèrent différents, pas comme eux.

Les crises d’épilepsie de María enfant attisent de nouveau les rumeurs au village : «Il avait un démon dans le corps, et le prêtre le lui a enlevé», diront les voisins. Les crises reviennent malgré l’exorcisme. Elles provoquent un état d’inconscience, ou María ne se rappelle de rien.

Le réalisateur Rubén Mendoza nous emmène avec lui à la rencontre de cette personnalité courageuse, forte, impressionnante. Señorita María, comme on la surnomme, vit dans un village, où les habitants sont connus pour leurs croyances conservatrices catholiques. Señorita María est une femme, née homme.
«Je préfère les jupes au pantalon. Parfois je dois porter un pantalon pour le travail aux champs, mais je n’aime pas ça», nous confie-t-elle. À travers champs en espadrille et en jupe, maniant la bêche d’une main experte, plantant son maïs, Señorita Maria remplit avec élégance et dextérité les taches champêtres.

«Ma grand-mère me faisait des tresses», nous raconte-t-elle. Au travers du portrait nous parvient l’image d’une grand-mère intransigeante, dure, avide de cacher le péché de ses enfants. En ressort aussi un ressentiment profond contre ces parents qui n’ont jamais été là, qui ont abandonné leur enfant. Maria a grandi avec Dieu comme seul réconfort. Sa foi la soutient et l’accompagne aujourd’hui encore. Seule, contre tous.
Les questions du directeur au cours du documentaire sont directes, dures, sans pitié. Ces questions provoquent les larmes, la colère, le remords des personnes interrogées. Le documentaire amène le spectateur à se demander comment il ou elle aurait réagi dans cette situation. En tant que villageois. En tant que voisin. En tant qu’enfant. Le thème de la religion et de la foi revient tout au long du film. La foi qui soutient María Luysa depuis petite. Mais aussi la religion qui donne des œillères aux habitants et ne leur permet pas d’accepter l’autre.
Señorita María est un film étonnant, surprenant, interrogateur. Une histoire digne d’être racontée. Un personnage digne d’être reconnu et respecté.
Les spectateurs et jurys de la semaine de la critique du festival du film de Locarno 2017 l’ont aussi entendu de cette oreille, et ont récompensé le film. Chapeau bas! 

 

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El director colombiano Rubén Mendoza en Locarno junto al presentador del Festival. Foto ©PuntoLatino

 

Datos técnicos

Señorita María: La falda de la montaña, Colombia, 2017, 90 min, documental, director: Rubén Mendoza

 


 

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